Pourquoi la mosaïque ?
La mosaïque est un art qui me fascine depuis longtemps.
Depuis vingt ans, je fais de la marqueterie de bois. En dehors du matériau, il y a beaucoup de points communs entre ces deux activités.
Dès le départ, j’ai tout de suite envisagé de recouvrir tous les murs de mon garage des fresques de Nefertari. J’avais conscience qu’il y avait des obstacles majeurs pour lesquels je n’avais (encore) aucune solution.
- Que faire de tout le « bazar » qui encombre habituellement le garage ?
- Où mettre tout ce qui est accroché aux murs : échelles, porte-vélo, crochets divers… ?
- Comment agencer toutes les fresques sur les murs ?
- Combien cela allait-il me coûter ?
- Comment avoir une documentation suffisamment précise ?
- Comment faire en mosaïque des hiéroglyphes qui restent lisibles ?
Pris globalement, tous ces obstacles rendaient le projet impossible. Mais en les analysant individuellement, cela pouvait s’envisager.
Pour reprendre les propos de Mark Twain*, je dirais que je ne savais pas que c’était impossible, alors je l’ai fait.
*“They didn’t know it was impossible, so they did it”.
Pourquoi la tombe de Nefertari ?
J’ai découvert la fresque d’Osiris-Ré dans les livres :
- Je la trouve très belle.
- J’aime la symétrie de la scène et la composition.
- Ces deux femmes dégagent une grande sensualité.
- La fresque n‘est pas abîmée, elle est comme fraîchement peinte. Il ne manque aucun détail.
Je ne suis pas le seul à être tombé sous le charme, les éditeurs de livres le sont aussi :
- Elle figure deux fois, en pleine page, sur le livre que j’ai acheté avec mon épouse en Egypte : La tombe de Nefertari édité en 1997 par Casa Editrice Bonechi, 50131 Florence, Italie.
- Dans un autre beau livre que j’ai reçu à un Noël, cette même scène est aussi représentée en grand format : L’Egypte, sur les traces de la civilisation égyptienne, édité par Köenmann, 50968 Cologne.
- Dans un autre livre reçu lors de mon anniversaire : La Vallée des Rois et des Reines, Le Livre Desgars aux éditions The Kings.
A chaque fois, cette même scène occupe une place de choix. Elle ne peut qu’être importante.
Pour commencer, il me fallait une œuvre majeure qui puisse valider l’ensemble du projet, la scène d’Osiris-Ré était donc un bon choix. D’ailleurs, ma conviction s’est renforcée au fur et à mesure que je la reproduisais et que je comprenais sa signification.
Mes recherches effectuées sur internet et dans les livres m’ont fait découvrir l’ensemble de la tombe. La fresque d’Osiris-Ré se trouve dans l’annexe Est qui est la partie la mieux conservée.
L’ensemble du projet pouvait tenir dans mon garage. Et j’avais compris qu’il fallait conserver la cohérence. Ces fresques représentent l’aboutissement d’un cheminement spirituel commencé dans le vestibule.
Les autres parties de la tombe sont toutes aussi intéressantes mais il faudrait que je demande aux voisins de construire sur leur terrain, voire sous leur propre maison. La démarche ne me semble pas évidente…
Pourquoi le garage ?
« Quelle drôle d’idée de faire ça dans un garage ! ». Je me souviens qu’à plusieurs reprises ma mère m’a dit que « c’est dommage de ne pas faire ça dans le salon»*. Le garage m’a toujours paru comme l’endroit idéal pour cette mosaïque. En effet, la tombe de Nefertari est un endroit sans fenêtre et sans lumière extérieure. De plus, c’est par définition un lieu intime où seules les personnes autorisées pénètrent. C’est un lieu qui n’est jamais montré et qui échappe à toutes les règles esthétiques. Ne viennent dans cette pièce que les personnes qui y sont invitées. C’est forcément le lieu idéal.
*Maintenant, quand ma mère me repose la même question, je lui réponds que je préfère garder le grand mur du salon pour « L’Origine Du Monde ».
Quelles contraintes ?
Les dimensions de l’annexe Est
Elles sont données par le site Osirisnet.net :
- Largeur Nord-Sud : 5 m,
- Profondeur Est-Ouest : 3m,
- Hauteur : 2,4 m.
Ce n’est pas exactement la taille de mon garage, mais il dispose de suffisamment de murs pour accueillir les fresques et les reproduire à la même échelle.
Les contraintes
Les égyptiens n’avaient pas les mêmes contraintes que les miennes. Par exemple, ils n’avaient pas à y stationner leurs voitures. De plus, ils n’avaient pas de rail de porte de garage.
Les seules modifications :
- Le soubassement :
La succession de bandes noires, rouges et jaunes est remplacée par une bande anthracite comportant des éclats rouges et jaunes. Je n’ai volontairement pas repris les motifs originaux pour me moquer des pilleurs de tombes. J’ai diminué d’environ 10 cm la hauteur de la frise pour que l’ensemble de la fresque puisse passer sous le rail de la porte du garage.
Ceci a quand même permis de disposer les personnages à ma hauteur. Je voulais ainsi pouvoir embrasser Isis et Nephtys sans avoir à me pencher. C’est d’ailleurs ce que je fais de temps en temps, quand je suis seul, en jalousant Osiris qui était aimé de ces deux déesses.
- Le plafond :
Dans la tombe de Nefertari, le plafond est composé d’une multitude d’étoiles jaunes à cinq branches parfaitement alignées sur un fond bleu. Ce type de décor est caractéristique des tombes royales, alors que chez les particuliers, on trouve des motifs géométriques. En mosaïque, il est devenu une bande noire comportant des éclats bleus et jaunes, pour rappeler les étoiles et le fond. Une seule étoile sur fond bleu est reproduite au-dessus de la table d’offrande destinée à Osiris.
Pour ces deux changements, puisse Osiris ne pas m’en vouloir.
Quelle mise en œuvre ?
Les matériaux
J’ai utilisé des carreaux de faïence neufs, en format 15*15cm. Par contre le soubassement et le ciel PET ont été réalisés avec des carreaux de carrelage gris 33*33cm et noirs 20*20cm.
Je n’ai pas voulu utiliser de la mosaïque récupérée, comme l’aurait fait Picassiette (un dieu de la mosaïque).
Il s’agit d’une dégénérescence : on part du beau (un carreau neuf) pour finir en morceaux cassés grossièrement. Ainsi, les précisions des traits sur les visages ont fait place aux cassures hasardeuses des carreaux.
Sans aucune prétention, mon travail est influencé par l’art brut et les idées défendues par les peintures de Jean DUBUFFET, Jean-Michel BASQUIAT, ou notre contemporain Robert COMBAS
Le choix des couleurs
Les artisans qui ont réalisé ces peintures ont utilisé mille et une nuances pour donner du relief à leurs dessins. Quand on regarde de près, on s’émerveille de la finesse des traits et de la richesse des détails. Ainsi, le visage de Nefertari est d’une extrême beauté, son léger sourire exprime parfaitement la sérénité de cette reine face aux dieux.
A l’inverse de cette richesse, dans les fresques en mosaïque, il n’y a aucune nuance, les visages sont unis et plats.
Je n’ai utilisé que très peu de couleurs : principalement des carreaux blancs, noirs, jaunes, rouges, orange, gris et verts. A cette liste, il faut ajouter avec des doses, parfois très homéopathiques, des carreaux bordeaux, bleus, et jaune paille.
Cela représente 31 m² de faïence, 91 kg de colle, 75 kg de joint.
Un fois fini, avec les joints, l’ensemble totalise 32 m² de mosaïque.
Les contraintes des couleurs
- La couleur de la peau d’Isis et de Nephtys devrait être jaune, comme c’est habituellement le cas pour les femmes (les hommes sont toujours peints en rouge). Je disposais bien de carreaux jaunes mais on était alors proche de la couleur du citron, ce qui ne me convenait pas. J’ai donc choisi d’utiliser l’orange.
- De même, pour la couleur de la peau des hommes, je ne disposais pas de rouge « brique », j’ai là aussi opté pour l’orange.
- Nefertari a la peau rose, comme la plupart des reines de la vallée, mais là aussi, j’ai choisi l’or